Enjeux du forum
La problématique proposée pour le forum portait sur la privatisation des services publics. Le débat a fait ressortir la nécessité d’une compréhension élargie de cette question. Il y a des services publics qui fonctionnent comme des services privatisés : soit qu’ils ne sont accessibles qu’à une minorité d’habitant.es, soit qu’ils sont mis au service d’intérêts privés ! Il s’agit non seulement de :
- 1° lutter contre des logiques d’appropriation privée de biens communs (l’eau, l’espace, etc…) et services publics (les transports, l’éducation, la culture et les loisirs, la santé, etc…) en vue de leur gestion publique et citoyenne
- 2° s’opposer aux logiques qui privent les habitant.es de l’accès aux services publics ou qui en réservent l’accès à une partie seulement d’entre eux/elles et du pouvoir d’agir sur le contenu, l’étendue, et les finalités de ces services publics.
Nous avons donc débattu de la réappropriation, du contrôle et de la gestion publique des biens communs, services publics et équipements collectifs et de l’accès de tou.tes les habitant.es à des services publics de qualité répondant aux besoins sociaux et garantissant l’exercice des droits (à l’éducation, à la santé, aux loisirs, à la mobilité, etc…).
Les échanges ont fait ressortir plusieurs niveaux de discussion et plusieurs types de propositions :
- Une réflexion et des propositions sur les moyens collectifs d’agir en commun et de construire des mobilisations en faveur de services publics à la fois efficaces et démocratiques ;
- Une réflexion et des propositions sur les outils à même de développer une contre-expertise citoyenne sur les services publics et leur fonctionnement ;
- Une réflexion sur les conditions de fonctionnement des services publics à la fois du point de vue des usagers et du point de vue des agents ;
- Une série de revendications et propositions immédiates pour Marseille sur la question des Services Publics ;
Le constat commun
La demande de services publics est forte de la part des habitant.es et les attentes également. En matière de service public on présente souvent Marseille comme « en retard » alors qu’on dire qu’elle est « en avance ». A la pointe des politiques de déréglementation libérale, de rétractation et d’abandon, de mise en concurrence du secteur public par le secteur privé. L’exemple a ainsi été donné de la situation de l’Hôpital Nord, qui ferme des lits et des services dans une logique, voulue par l’Agence régionale de Santé, de concentration des moyens sur « le pôle d’excellence régionale » de la Timone, au détriment de l’accès des habitant.es à un service public hospitalier dans la proximité, et sous le prétexte de l’existence d’un second pôle hospitalier, mais privé celui-là, l’Hôpital Européen, desservant en partie les quartiers Nord.
Les services publics sont si maltraités à Marseille, que cela produit des logiques de contournement massifs comme en témoigne le recours à l’enseignement privé ou à des services de prise en charge de la petite enfance relevant du secteur privé ou associatif. Ce phénomène avec les logiques politiques et sociales ségrégatives, favorise et amplifie l’abandon des responsabilités, ou leur délégation au privé, par les pouvoirs publics locaux et nationaux.
Cela renvoie également à un problème particulièrement aigu à Marseille où l’absence de volonté municipale de représenter et défendre les intérêts de toute la population face aux collectivités de référence (Région, Département ou Etat), dédouanent celles-ci d’avoir à faire les efforts nécessaires pour assurer le fonctionnement normal des services dont elles ont la charge. Là encore le terrain des écoles fournit en abondance des illustrations.
Le débat a également conduit à mettre en évidence le rôle pervers que joue de la multiplicité des interlocuteurs du côté des pouvoirs publics. Ils se renvoient indéfiniment la balle se défaussent sur les autres acteurs publics, ils disséminent, face aux exigences des habitant.es, les échelons de responsabilité et de décision. Cela a pu être abondamment illustré par la situation du collège Versailles dans le 3e arrondissement, où municipalité, état et département se renvoient la balle pour échapper à l’urgence d’avoir à régler le problème des élèves qui étudient dans un collège mal situé, délabré et dangereux (présence d’amiante…), et des personnels qui y travaillent dans des conditions déplorables.
Enfin le danger a été pointé de l’usage qui est fait dans une logique ultra-libérale de déréglementation, de privatisation et de mise en concurrence, du thème de la défaillance des services publics. Face à cela le forum a réaffirmé l’urgence de défendre contre ces logiques d’appropriation privée ou de déréglementation, une conception démocratiques des services publics, comme porteurs de l’intérêt général et d’efficacité sociale.
Construire des réponses citoyennes
Il y a donc urgence à construire des réponses collectives à partir des besoins et des mobilisations de la population marseillaise. Des réponses qui remettent l’intérêt général au centre et permettent de rompre avec l’indifférence aux besoins des habitant.es, avec la défaillance entretenue et les politiques de ségrégation sociale et de discrimination qui sont menées depuis des décennies dans la ville :
- Il faut étendre le contrôle citoyen sur les services publics. Ceux-ci doivent redevenir un bien commun et pour cela leur caractère public ne suffit pas. Il faut aussi tendre à une gestion citoyenne selon des modalités transparentes et démocratiques. Cette « gestion citoyenne » doit représenter une alternative aux logiques de clientélisme et aux groupes de pression comme aux logiques d’appropriation privée, et s’exercer à travers une représentation transparente et démocratique des collectifs d’habitant.es.
- Pour avancer dans cette perspective il faut unifier nos mobilisations, sortir de nos « prés carrés » et de nos spécialisations, pour porter des exigences communes à toute la population. Bien sûr l’expertise est une condition nécessaire. Mais elle doit être partagée, diffusée, mise à disposition des habitant.es. En outre elle ne doit pas être le prétexte à une segmentation, à une parcellisation des enjeux et des mobilisations.
- Il faut donc porter des exigences convergentes qui portent sur tout le cadre de vie des marseillais.es, qui évitent l’isolement des questions les unes par rapport aux autres et qui visent la mise en œuvre d’un véritable droit à la ville pour tou.tes : droit aux transports, à la mobilité, à l’éducation, à la santé, à la culture et aux loisirs, à une ville propre, à un environnement sain et protégé, à une jouissance partagée des biens communs, etc…
- Des services publics vraiment au service de la population ne peuvent pas fonctionner avec des fonctionnaires maltraité.es, précaires, sous-formé.es, exploité.es et sous-payé.es. Ni avec des fonctionnaires mis.es sous la tutelle des élu.es et soumis.es à un management libéral brutal (Loi Dussopt).
- Il faut donc porter également des exigences communes aux habitant.es et aux agent.es des services publics, à partir de la certitude qu’il ne peut y avoir d’amélioration du service public au service de la population sans amélioration des conditions de travail, de rémunération, de formation et de gestion des agent.es. Le dossier des bibliothèques ou celui des personnels municipaux des écoles à Marseille illustrent abondamment cette relation. Développer par exemple le réseau des bibliothèques municipales doit se faire en en prenant en compte toutes les dimensions des missions : accueil, orientation, information, exposition, etc… et donc avec les dotations en emplois statutaires et la formation nécessaires. L’exemple du collectif DZ (« des aides »), constitué il y a quelques années par des parents d’élèves, des syndicalistes enseignant.es et des syndicalistes agent.es de la ville autour de l’exigence d’une amélioration de la dotation des écoles en personnel ATSEM (les « tatas ») représente par ailleurs une expérience significative d’action commune des usagers et des agents publics autour de leur intérêt commun.
- Face à la dissémination des pouvoirs publics responsables, il faut nous-mêmes reconstituer de l’unité. Nous devons nous efforcer d’agir ensemble à l’échelle de la ville et de créer un contre-pouvoir citoyen assis sur l’expertise associative et militante. Une force collective qui pèse sur les pouvoirs publics et exerce son contrôle sur la municipalité. De ce point de vue les Etats Généraux représentent une expérience fondatrice qui doit être prolongée.
Quelques revendications et propositions immédiates
- Gratuité des transports publics.
- Retour en régie du service de la distribution de l’eau et gestion citoyenne transparente et démocratique.
- Extension du réseau des bibliothèques municipales, avec la dotation en personnel leur permettant d’assurer la totalité de leurs missions. A minima une par arrondissement et aller vers une par quartier.
- Création d’un réseau de halles alimentaires et marchés publics fournis en circuit courts assurant l’accès à une alimentation de qualité et écologiquement soutenable.
- Création d’une Université Populaire de la/du Citoyen.ne, à même de rendre accessible à tou.tes l’exercice des droits.
- Un audit citoyen des services publics à Marseille en appui sur le travail des collectifs, des syndicats et des associations, prenant en considération dans l’analyse de leur fonctionnement à la fois la dimension territoriale (présence ou non dans les territoires) et leur fonctionnement à l’égard du champ d’intervention (logement, éducation, transports, etc…).
- Recenser et évaluer l’ensemble des délégations de service public et l’échéance à laquelle elles se terminent.
- Etablir un inventaire des services publics élémentaires à défendre et à protéger.
- Créer des outils collectifs d’évaluation de l’apport des services publics à la ville afin de mettre en évidence leur utilité.
- appui de la Convergence nationale de défense et de développement des services publics à définir collectivement.